• tragedie-comédie


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  • Après les événements terroristes en plein cœur de paris,  je pense que c'est le moment de se mettre en cause, poser des questions et donner des réponses sincères. Où on est aujourd'hui avec les difficultés des banlieues? J'habite 93, le département le plus dangereux, disent-ils.. J'aime mon quartier, je ne me suis jamais sentie en danger. Mais je suis entourée d'enfants et surtout d'adolescents révoltés... Comment communiquer avec eux? On doit commencer un dialoguer et pour cela, on doit casser le mûr construit par notre société,  pendant tous ces années....Ce mûr qui sépare les gens et construit des sentiments de supériorité, d'infériorité, et provoque une immense frustration. Les hommes ne se comprennent pas, nous vivons à Babylone, nous parlons des langues différentes,( je ne parle pas de la forme mais du fond de l'expression de nos idées),  nous avons des codes et des cultures différentes. Chaque un a reçu une autre éducation qui peut l'aliéner à son mode de pensée. Échanger alors devient compliqué. Comment procéder?

    Éduquer, en prenant en considération le psychisme et ses mécanismes, va permettre de restaurer quelque chose de l'humanité perdue.. Pas essayer encore de soumettre les jeunes personnes à notre réalité, comme à l'école..., mais aller chercher ce potentiel créatif, sain, qui caractérise tout homme. Utiliser la fiction à travers le jeu, le théâtre, les arts pour résoudre les problèmes relationnelles, émotionnels, sociaux. J'ai toujours en tête le modèle de la Grèce antique où la tragédie éduque et purifie l'homme et le rend responsable de sa cité. Peut être parce que c'est mon origine avec ses mythes et ses philosophes qui font partie de ma propre éducation.

    J'ai animé des groupes multiculturels qui sont arrivés, à travers la médiation artistique, à se nourrir mutuellement de cette richesse qui offre la différence, à créer une œuvre commune, exprimer leur âme collective et sensible. Être dans la création commune relie le groupe.

    Faut avoir le courage d'aller sur le terrain et se confronter à cette réalité, construire plutôt que sécuriser. Jouer les problématiques qui concernent notre cité, afin d'échanger et réfléchir avant d'agir. Mettre en situation de jeu des grandes questionnements, des non dits, des interdits libèrent la pensée et la communiquent à l'"autre". "Jouer" travaille l'imagination, en trouvant des solutions à nos problèmes. Regardez les enfants qui jouent.. ils se purifient à travers des jeux anodins qui génèrent la joie de vivre avec toutes les contradictions et paradoxes 'intérieurs. Exprimer cette intériorité dans un cadre qui tolère l'être dans sa totalité me paraît une solution directe.

    Proposons la solidarité, la créativité et  le chemin du cœur qui est l'amour. Manipulons nos propres vies diraient mes marionnettes....

    à suivre..

     


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    Colloque de WINTERTHUR

     

    "LA THÉRAPIE PAR LE JEU AVEC LA MARIONNETTE"

     

     

     

    Du 15 au 17 mars 2013, mandatée par « Marionnette et Thérapie », j'ai participé, à un colloque européen, à Winterthur, une petite ville en Suisse alémanique, sur " la thérapie par le jeu avec la marionnette ". Il y avait trois champs alternés, les conférences, les spectacles et les ateliers.

     

     

     

    Le fil de l'arbre

     

    Un fil interne accompagnait le colloque du début à la fin, celui de l'arbre. Une petite graine semée en terre et arrosée régulierement, nourrie d'amour et d'attention, fait grandir l'arbre de vie qu'on orne progressivement avec notre imaginaire. L'arbre, avec ses racines plantées dans la terre et ses branches dirigées vers le ciel, incarne, au même titre que l'homme, « l'être » des deux mondes et la création qui unit le haut et le bas. L'arbre de la vie et de la mort, l'arbre de la connaissance. Dans un conte populaire japonais représenté au spectacle final « la femme dans l'arbre ». Le vieil arbre est un véritable être habité par une nymphe. Planté au milieu de la scène, il symbolise l'âme de la vie :

     

    " Un beau jour, Hanako, fille de paysan, se repose comme d'habitude en bas de son viel arbre adoré lorsqu'elle entend une voix qui parle ainsi : « Hanako, c'est moi, la femme de l'arbre, son âme. Le moment de dire adieu est arrivé, demain les bûcherons vont venir pour m'abattre. Mon bois servira pour la construction d'un bateau qui amènera le jeune roi visiter des innombrables îles de son royaume. » Les choses se passent exactement comme l'arbre l'a prédit. Mais lorsque le moment vient de larguer les amarres, le bateau ne bouge pas. Personne ne réussit à le faire bouger, ni les domestiques, ni les gardes du corps de sa majesté et encore moins le plus grand penseur. Le jeune roi est triste à mourir ; à quoi sert un bateau qui n'arrive pas à naviguer, à traverser l'océan? Finalement, Hanako arrive au port et voit quel beau bateau a été construit avec le bois de son arbre. Elle est la seule qui réussit à faire bouger le bateau pour que le roi puisse visiter son royaume.

     

     

     

    Dans ce conte, il est question de la vie et de la mort, des perpétuels changements, des transformations...

     

    (Spectacle de 45 min. joué avec des marottes et des marionnettes à gaine. Mise en scène, personnages, décor, performance : Dorothee Schlumpf-Schürenberg).

     

    Dans ce voyage en Asie, Barbara Scheel, psychologue et art thérapeute, (www. Babuschka-theater.de) nous parle de l'arbre « éternel », le ginko biloba ou « l'arbre aux mille écus », nommé ainsi à cause de ses feuilles qui deviennent dorées en automne. Il peut vivre environ trois mille ans et donne des fruits à partir de trente ans et uniquement si l'arbre de sexe opposé se trouve à proximité. En automne quand le soleil disparaît, les feuilles du ginko brillent comme s'il avait emmagasiné toute la lumière du soleil. Cet arbre préhistorique existait déjà une quarantaine de millions d'années avant l'apparition des dinosaures. Il n'a pas de prédateurs naturels, ni de parasites ou de maladies. Sa résistance extrême lui a permis d'être l'une des rares espèces à ne pas avoir souffert de l'explosion de la bombe atomique à Hiroshima. De nos jours, les ginkgos bordent les artères des grandes villes car leur capacité à accumuler la pollution est remarquable. Contrairement aux autres arbres, ils peuvent survivre dans un environnement fortement pollué sans être malades.

     

     

     

    Des marionnettes comme alliées thérapeutiques

     

    Entre les différents exposés, j'ai choisi à vous présenter l'utilisation de la marionnette pour des enfants atteints d'une maladie potentiellement mortelle. La place de la marionnette à ce terrain précis est très adaptée à cause des liens qu'elle est capable d'entretenir avec la mort.

    Cela consiste en l'accompagnement des enfants gravement malades et de leurs familles ou des enfants avec des parents gravements malades. Nadja Meier Läubli, institutrice thérapeute pour la marionnette et conteuse ,collabore avec des soignantes formées, qui sont souvent présentes pendant les heures de thérapie avec le consentement des parents. Elle nous dit que quand la maladie est avancée, il est plus utile que les séances se passent à la maison. Ainsi les membres de la famille peuvent observer ou appliquer la thérapie : parler afin de clarifier sentiments et comportements ou élaborer ensemble des rituels précieux. Le chemin est donné mais le trajet peut s'enrichir avec la présence et l'offre de l'accompagnement de la thérapeute. La peur qui isole les individus peut se transformer en réflexions, sentiments et expériences partagées. Le diagnostic d'une maladie ou une mort inattendue crée un choc. Toutes les personnes impliquées sont « déséquilibrées », la peur de la mort est omniprésente, elle transforme toute la vie familiale. Nous rencontrons des sentiments très divers, comme le deuil, la rage, le désarroi, l'hyperactivisme, l'indignation, la paralysie. Pour la thérapeute, cela signifie faire des propositions, réfléchir à haute voix parce que les personnes touchées ne savent pas ce qu'elles veulent ou de quoi elles ont besoin. Pour l'enfant et la famille la thérapeute devient une alliée.



    Créer un nouveau départ

    Une première visite demande beaucoup de patience et de sensibilité. Les enfants ont souvent peur des nouveaux venus mais les petites marionnettes de poche réussissent à calmer les tensions. Les enfants curieux s'ouvrent au jeu. La thérapeute fait des suggestions, par exemple bricoler des rubans à voeux, écouter ou faire de la musique, modeler, peintre, raconter ou écouter des contes de fées. Les rituels sont des moments de vie partagée. Les actes "virtuels" ont un rôle important dans toutes les thérapies. Le jeu avec les marionnettes permet à l'enfant et à toute sa famille de s'imaginer le passage de la vie à la mort. Le pont entre la vie et l'autre pays qui se construit doit consoler non seulement l'enfant mais aussi toute la fratrie. De " l'autre côté" se trouvent les ancêtres. Cela pose des questions : « où je serai après la mort ? , comment je l'imagine ? " L'écrire ou dessiner... aident à préparer ensemble le « terrain » pour l'adieu après une maladie, c'est parfois plus facile pour l'âme et l'esprit. Il y a une sorte de voie naturelle entre la vie et la mort. Les personnes concernées ont toujours besoin de temps, d'espace, de patience pour accepter la mort d'une personne proche, pour le deuil et le vide... La thérapie leur donne la possibilité de créer un nouveau départ. Elle est une sorte de « testament », une façon de redonner de l'estime de soi à l'enfant et à toute la famille. Les histoires qui ont été jouées, racontées, les chansons, les désirs exprimés, écrits, dessinés... resteront dans les mémoires et aideront à surmonter la tristesse et la perte d'un être cher. Et les liens entre tous ont été renforcés. La thérapie est un processus qui peut vaincre l'isolement par la parole, les gestes, les actes réels touchant le coeur de façon symbolique par la métaphore.



    La thérapie par la marionnette vise différents objectifs : l'enfant exprime ses pensées, ses sentiments deviennent visibles à la famille qui peut mieux comprendre les transformations intérieures de l'enfant ; l'enfant malade participe activement, ce qui renforce son autodétermination en toute confiance dans un cadre sécurisant ; les actions des marionnettes servent de moyens de communication entre l'enfant, les parents et la fratrie, quand parler devient difficile ou presque impossible ; les processus de guérison ou de la maladie peuvent être abordées plus librement, le travail imaginatif des marionnettes est proche de l'enfant. Les marionnettes ouvrent le chemin pour chercher et trouver des idées afin de vivre des changements majeurs. En jouant avec les marionnettes, des animaux..., l'enfant peut exprimer et représenter sa situation de vie. Les événements se trouvant dans les histoires lui permettent de tirer des parallèles avec sa propre situation et les confronter entre elles. Enfin les rituels soutiennent l'enfant et la famille lors de la maladie ou des adieux.

    Deux cas cliniques

    Le premier nous parle d'une petite fille de deux ans qui avait une trachéotomie et devait s'habituer à se nourrir. Mais elle refusait. Pendant le jeu avec la marionnette, elle a commencé à manger et la visite de la thérapeute a eté un succès incroyable. La deuxième nous parle d'un garçon atteint d'une atrophie musculaire incurable. Un enfant qui ne peut plus bouger par lui-même a besoin d'impulsions corporelles pour son développement mental. La thérapeute fait jouer les marionnettes sur le corps de l'enfant pour entrer en contact. Les marionnettes peuvent jouer à écouter le cœur, à utiliser le corps comme toboggan ou à explorer le repas dans l'estomac. Les enfants se réjouissent et prêtent attention. Ces moments de jeux et d'histoires favorisent le bien-être corporel. C'est la thérapeute qui choisit les marionnettes et le conte adapté à la situation vécue de l'enfant...



    Conte de l'enfant étoile

    « Le petit enfant étoile regarde la terre depuis le ciel. Il aimerait tant y aller. Sur la terre se trouve un couple qui désire tellement avoir un enfant. L'enfant étoile se glisse sur un rayon de soleil pour rejoindre ses parents. Ensemble ils vivent de nombreuses belles aventures. Mais un jour, Papa et Maman se rendent compte que leur enfant est malade. L'enfant s'endort dans les bras des parents puis, accompagné par un ange gardien, retourne sur un rayon d'étoile vers sa famille céleste. L'enfant étoile regarde la terre et envoie des plumes... 

    Après la mort de l'enfant, à la demande des parents, la fin de l'histoire est jouée à son enterrement. « Qui d'autre que les marionnettes pouvaient raconter cet événement si difficile à appréhender? »

    L'accompagnement d'un enfant vers la mort est un travail délicat et exigeant. Les marionnettes permettent d'échanger avec grande simplicité sur la gravité de la maladie. Elles peuvent être une aide pour les autres enfants de la famille qui souffrent aussi d'angoisses. Il est important que les frères et sœurs trouvent leur place, puissent parler, exprimer et communiquer leurs sentiments. La thérapie par la marionnette enrichit et aide toute la famille grâce à sa poésie, sa façon de dédramatiser et d'allèger des situations difficiles.

    En conclusion, la thérapie par la marionnette peut complètement trouver sa place dans l'accompagnement d'enfants malades. Avec ce vœu et l'espoir dans nos coeurs de ce constat, nous sommes partis du colloque en emmenant avec nous un petit pot en verre qui contenait un arbuste, un arbre qui, de son essence, nourrit l' âme en désir d'Amour.



    Je remercie les organisatrices de ce colloque qui m'ont chaleureusement reçue et particulierement Brigit Oplatka de son aide précieuse pour cet article. Egalement tous les intervenants pour le partage de leurs riches expériences. Particulièrement, pour ce moment partagé, riche en émotions, les exposés de Nadja Meier Läubli et Joseline Pampaluchi, qui m'ont permis de reconstituer cet article.



    Papageorgiou Eleni



    1 Henri Lichtenberger (trad.), Claude David (préface et notes), Le Divan, Gallimard, Paris, coll. « Poésie », 1984. Le Divan occidental-oriental (titre complet) est le dernier recueil poétique majeur qu'ait composé Johann Wolfgang von Goethe. Il est inspiré de la poésie persane

     



     

    Ginkgo Biloba, 1815

    "La feuille de cet arbre, qui, de l’Orient,
    Est confiée à mon jardin,
    Offre un sens caché
    Qui charme l’initié. Est-ce un être vivant,
    Qui s’est scindé en lui-même,
    Sont-ils deux qui se choisissent,
    Si bien qu’on les prend pour un seul

    Pour répondre à ces questions,
    Je crois avoir la vraie manière :
    Ne sens-tu pas, à mes chants,
    Que je suis à la fois un et double ?





    Poème de Johann Wolfgang von Goethe (1749-1832)

     



     


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  • Je viens d'animer un stage de formation intitulé "marionnette et psychanalyse"* (* “Marionnette et thérapie”). J'ai encadré la fabrication des deux marionnettes par 8 stagiaires, une marotte et une avec des bandes plâtrées à partir des bouteilles. Deux petites gaines, ont aussi vu le jour, une sourie et un diable blanc!! Il y a eu beaucoup d'humains, un vampire, quelques animaux, un loup, un oiseau perroquet, des créatures mystérieux, un monstre écolo préhistorique. Ca fait du monde tous ces représentations qui prennent vie, sorties de l’intérieur de l’homme, des profondeurs de notre être. Les marionnettes, ces petits êtres sont devenus des parle-êtres, en nous adressant leur état d’âme, leurs histoires, leurs peurs et leurs désirs.. Les jeux symboliques, des scénarios de rêve et de cauchemar, éveillé et collectif, dans un deuxième temps ont été élaborés psychanalytiquement, (par un psychanalyste): la parole des marionnettes manipulées en scène par le groupe, après une construction collective et rapide d’un conte, qui laissait bien la place à l’improvisation, à la libre association d’idées. Le travail énergétique sur le corps propre des participantes me préoccupe toujours, je n’ai pas eu suffisamment le temps..., j'ai juste proposé des rituels initiatiques, des jeux, afin de lâcher prise sur les défenses, redevenir un enfant qui joue, franchir la réalité quotidienne, pour rentrer dans un espace de création où tout est possible; derrière et devant le rideau, joueur et spéctateur, dans un jeu caché-dévoilé, dans le noir et le blanc, en traversant des perturbations, des zones d’ombre et de lumière. Pour préparer et chauffer la voix, un super chant français, que j’espère retrouver ses paroles.... Trop de choses encore à explorer autour de la marionnette. Quel riche média..Trop intense et riche la semaine!! Merci à tous!!

     

      


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  • NARCISSE

    Narcisse est né à Thespies en Béotie, région de la Grèce, né de la nymphe Lyriopi et de la rivière Kifissos. Narcisse a une beauté divine, sa chevelure est comparée à celle d'Apollon, mais il méprise Éros et ses amants. Ameinias lui fait des avances mais Narcisse le rejette et le provoque, en lui envoyant une épée. Le jeune amoureux se suicide avec, devant la porte de Narcisse, en implorant la vengeance du dieu.  Les habitants de Thespies honorent Éros dans les cérémonies publiques et lui sacrifient dans des rituels. Il y a aussi la culte au démon "Antéros", qui est le vengeur de l'amant repoussé. Éros, l'amour réciproque, a un double symétrique, Antéros qui est le châtiment qui répond à la faute. Mis en scène des opposés, naturellement l'amour et la mort.

    L'histoire de Narcisse met en jeu l'identité et l'altérité. Narcisse aime lui même et pas autrui, il devient amant de lui même. L'objet aimé devient sujet aimant, il est pris au piège de cette clôture d'identité, frappé par le même châtiment qui inflige à Ameinias. L'homosexualité dans l'antiquité grecque a une fonction socialisante. Narcisse en refusant les avances de ses amants, s'ôte toute possibilité de chercher son image et son identité dans leurs regards. Finalement, il se trouve à la source, où il s'enferme vis à vis avec lui même. Les surfaces réfléchissantes naturelles, les miroirs aquatiques sont des eaux maléfiques où on risque la noyade. Les juments quand elles aperçoivent leur image dans l'eau, elles tombent malades, elles oublient de paître et périssent. Ce phénomène semble être une contagion érotique. Le remède est simple, on leur taille grossièrement la crinière, et en voyant leur laideur elles oublient l'image antérieur et guérissent... Il y a aussi la technique de la chasse avec un miroir afin de capturer les oiseaux qui se font piégés. Par exemple, les cailles à la saison des amours, qui se précipitent au piège, vers l'image qui apparait au miroir. C'est l'instinct sexuel qui les attirent, preuve qu'ils laissent leur sperme sur le miroir.

    Dans le mythe il y a cette problématique de "voir" et de "savoir". L'oracle est prononcé par Tiressias qui est aveugle mais obtient le don divinatoire: "il vivra, s'il ne se connait pas". Ovide dans son livre "Métamorphoses", écrit l'histoire d'Echo qui se redouble sur le plan sonore le motif visuel du reflet. Condamnée par Héra pour bavardage et complicité d'adultère, elle n'est qu'un doublet appauvri dans les paroles d'autrui. Écho aime Narcisse et le poursuit. Lui, il la repousse, "plutôt mourir que m'abandonner à toi". Nous avons deux motifs, l'image de la beauté qui ravit et l'image de la voix qui l'abusait. Écho est l'équivalent, sur le plan auditif du reflet qui captive le regard de Narcisse. Il y a parallélisme entre l'image vocale et l'image visuelle. Narcisse croit dialoguer avec son image mais ce qu'il voit n'est que l'ombre reflétée de son image, son fantôme. L'étymologie de son nom "Narké" signifie engourdissement. Le dédoublement agit comme une drogue, dont l'abus, une overdose entraîne sa mort. A la version de Paussanias, Narcisse a une sœur jumelle d'une apparence semblable. Il est alors amoureux de sa sœur; mais elle meurt. Il se rend à la source et il imagine qu'il la voit elle. Il cherche dans son reflet un remède à la souffrance causée par la perte de sa jumelle. Leur comportement est fusionnel et transgressif. Leur similitude efface l'identité de chacun. Ça nous ramène à l'identité des jumeaux qui se modèle sur l'autre. Narcisse ne peut pas s'arracher au monde féminisé de la petite enfance. Il est déjà parvenu à l'âge d'être amoureux, de se tourner vers autrui et sortir de l'univers familial. Mais ils continuent frère et sœur à vivre ensemble dans la clôture de l'inceste. Narcisse, donc face au miroir, cherche à recréer la dualité de la relation réciproque. Il s'agit d'une régression, révèlement de la relation incestueuse. Narcisse refuse à abandonner la part féminine de son enfance et il se noie. L'adolescent refuse de devenir masculin, en refusant de répondre à l'amour et la sociabilité. Dans une autre variante de la légende, (de poète latin Pentadius), sa sœur est remplacée par le père, un père absent, une autre catégorie du double. C'est en cherchant à voir son père, le fleuve, que Narcisse découvre dans l'eau son propre visage, une analogie entre le reflet du miroir et la duplication de la reproduction sexuée. 

    La faute de Narcisse est de refuser une ouverture sur autrui, une étape indispensable vers la reconnaissance de soi. Il confond reflet et réalité. Il n'accepte pas la reconnaissance de l'autre, il préfère l'apparence à la réalité. La faute du jeune homme qui ignore l'indispensable retour par autrui, pour devenir lui même sujet, faute à demeurer objet.

    L'effet narcotique attribué au narcisse mythique comporte deux pôles, l'un positif et calmant, l'autre négatif qui cause l'engourdissement mortel. La fleur narcisse borde la fontaine de vin où Dionysos attire la nymphe Aura pour l'endormir et la violer. Les vertus hypnotiques de la fleur amène la malheureuse victime du dieu à l'ivresse et la paralysie. La Persephone est séduite par la beauté de la fleur qui la piège. Hadès la vole, elle est engloutie sous terre. Le mythe de Déméter dramatise l'étape de l'arrachement de la fille à sa mère. Le mariage à un âge très jeune est une rupture brutale, un changement d'identité, de nom.

    La problématique de Persephone est déplacée au féminin. La femme a le souci de sa beauté, son désir est tournée vers elle même, d'où la place du miroir, (3ème œil). La chance de l'amant est de pouvoir prendre la place du miroir. Il offre à sa belle un reflet rassurant, conforme à elle même. Le miroir fascine; c'est le lieu de toutes les fantasmagories, il offre accès sur les mondes de l'invisible. Le miroir fonctionne comme un l'opérateur de discrimination des sexes. Il joue un rôle déterminant dans la séparation et la réunion des hommes et des femmes. Il est interdit aux hommes, parce qu'il devient danger de fermeture sur soi, d'aliénation à un reflet qui est renvoyé par un objet et pas par un humain. L'interdit masculin du miroir symboliquement, rappelle le moment du sevrage, marque de coupure avec le monde des femmes. A partir d'un moment, on expulse le garçon hors du gynécée. Le miroir est réservé aux femmes. La femme objet, renfermée sur elle-même, chez elle. L'homme est un sujet, la femme un objet. Le miroir les sépare. Le miroir sert à préparer la femme à rencontrer l'homme. Elle devient proie à la passion bestiale de l'homme. Le désir de l'homme demande à être stimulé, et ce de la femme? Le désir de l'homme réside dans « le naturel » du corps. Ce de la femme exige un surplus de parure. La femme est donnée à voir. Pourquoi il faut qu'elle se voit elle-même? La femme doit se voir avant d'être vue; elle se place comme sujet et objet à la fois. Quand elle se marie renonce à ses jouets d'enfance et elle offre sa poupée à Artémis, afin de devenir femme. Plus tard, quand elle va avoir vieilli elle abandonnera son miroir à la divinité. Une femme qui se perd dans son miroir ne meurt pas mais elle devient folle. La femme est objet et sujet du regard de l'homme par l'intermédiaire d'un objet, un œil artificiel.


    BIbliographie

    ""L'oeil et le miroir" de Jean Pierre Vernant

    "Narcisses" D. Anzieu, R.M. Benson, P. Bourdier, C. CHiland, H. Damisch, O. Flournoy, A.Green, P. Hadot, O. Kernberg, H. Lichtenstein, M. Masud R. Khan, J. McDougall, D. B. Pryor, R. M. Rilke, H. Rosenfeld, G. Rosolato, C. Scott.


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