• Marionnette et politique:

    Marionnette et politique:

    censure, propagande, résistance

     

    Journées professionnelles de la marionnette à Clichy, 3 et 4 février 2012, proposées par le Clastic théâtre et Themaa.

     

    La marionnette a souvent été l'objet d'une surveillance étroite de la part des pouvoirs politiques et religieux. Les représentations ont pu être interdites, les œuvres mutilées, les artistes pourchassés, emprisonnés et parfois exécutés. L'art de la marionnette rencontre aussi la censure sur un autre terrain, celui de la confrontation aux tabous: parce qu'elle n'est qu'une figure artificielle, il lui est plus facile de représenter irreprésentable, les puissances du fantasme ou plus simplement les territoires de l'intime. A ce titre la marionnette joue avec nos propres censures, elle les déjoue et nous invite à poster un autre regard sur l'humain et ses frontières. Là aussi, elle est un puissant révélateur de ce qui est permis ou non de dire et de montrer, dans l'espace public.

    Censure est la sanction, l'interdiction d'une pièce théâtrale. Normalement il y a abolition de la censure au théâtre en Europe, mais quand il y a « trouble à l'ordre public », un préfet peut toujours interdire une pièce. La censure qui ne dit pas son nom, c'est un prétexte pour arrêter les pièces qui dérangent, c'est plaire au pouvoir, ou pas plaire...

    En Chine, avec la révolution culturelle, les marionnettes sont brulées et les mains des marionnettistes deviennent abimées en cassant des cailloux dans les mines.

    La marionnette est liée à la structure religieuse et la pensée magique.

    C'est un vrai coup aux arts traditionnels. Un effort violent de couper le lien avec le passée, avec cette idée de « toute puissance » de l'humain.

    Actuellement tous les arts sont durement surveillés. La censure amène à l'absence de la créativité qui est remplacer par une vraie virtuosité, un perfectionnement au niveau technique. Le respect absolu du maître conduit le marionnettiste à une auto-censure qui ne lui donne pas le droit de dépasser son maître. Les pièces sont une répétition de l'œuvre du maître, qui fonctionne comme modèle. Cet attachement, ce respect absolu au maître fait bloquer la créativité, l'invention du nouveau.

    Au Tibet, les spectacles joués disparaissent avec l'arrivée du communisme chinois.

    En Moldavie, pendant la dictature, (1920-40), la marionnette, les habits, les textes sont censurés. Il est interdit d'exprimer une émotion. Les marionnettes sont utilisées comme propagande par le parti, le théâtre devient pédagogique et politique. De 1945 jusqu'à 1990, il n'y a que deux genres de spectacles, les contes et les légendes héroïques, avec une dramaturgie médiocre. L'objectif est de garder un public ignorant avec un langage spécifique qui contient un message: dire aux enfants où elle est la vérité et où le mensonge. Le héros, bon, fort et moral est un exemple à imiter... Il provoque le clivage dans le psychisme et il donne un modèle montré comme la seule possibilité à suivre.

    Dans les écoles, l'accent est mis sur la perfection du geste et leur philosophie est celle du parti communiste. Les élèves deviennent l'instrument de cette idéologie. Les acteurs sont démunis de toute improvisation et souvent le texte est enregistré, si non, il y a danger à l'intonation ironique, aux expressions... Tous les risques sont pris en compte et contrôlés. Seulement à la fin du XIX siècle, la prononciation du texte est permise en Russie. Les artistes étaient des fonctionnaires payés par l'état. Moscou imposait les pièces et le personnage de Petrouska disparaît pour réapparaitre en Moldavie, après son indépendance en 1991, (au début la Moldavie appartient à la Roumanie ensuite à la Russie) .

    En France après la 2ème guerre mondiale, les spectacles scolaires sont censurés. L'objectif demandé est le calme des enfants, la dramaturgie et les thèmes sont imposés parce qu'ils devaient servir aux maîtres et à l'enseignement pédagogique.

    D'ailleurs l'église auparavant utilise la petite Marie, (marionnette), en jouant au sein de l'église les contes bibliques. Si la marionnette ne vise leurs objectifs c'est bien l'œuvre du diable et elle est interdite.

    A Cuba, île clé au plein milieu de Caraïbes, le 1959 la révolution gagne; le statut donné aux artistes est celui du fonctionnaire qui travaille pour l'état. Aux années 1971-75, (décennies noirs), apparaît le concept de « paramétration ». Les artistes qui ne suivent pas les paramètres ils sont recardés. Ils recevaient alors un télégramme qui les convoquaient à une réunion où le parti décidait leur futur métier, c'est à dire: éboueurs, fossoyeurs, chasseurs de crocodiles...

    1960-70: (les années de silence)

    1970: L'art de la marionnette fleurit.

    En 1973: Pépé viré il est interné dans un hôpital psychiatrique. Il réussit à faire du théâtre pour les fou. Plusieurs artistes sont internés en structure psychiatrique, d'autres tombent dans la dépression. Les chemins de l'art et de la folie encore une fois s'entremêlent.

    Les marionnettes sont brulées et jetées dans les poubelles. Les enfants les récupèrent, ils mélangent les matériaux et les marionnettes peuvent rejoué.

    Il y interdiction des rencontres avec d'autres marionnettistes, argentins,...

    La marionnette est utilisée pour la propagande, didactique, les spectacles sont une leçon de morale pour apprendre aux enfants de n'est pas voler, ne pas mentir...

    Maintenant il y a quelques troupes de marionnette mais l'art manque d'oxygène. Ils en parlent mais le trauma est là et la souffrance se fait sentir. Les spectacles sont peu variés, où la valeur la plus importante est la maîtrise du jeu.

    En Iran la censure est toujours là. C'est difficile d'avoir un discours contre les armes. C'est difficile de dépasser les clichés (pourquoi le personnage n'a pas de barbe) et le clivage (tous ceux qui ont un chapelet sont des bons). C'est une honte de toucher une femme marionnettiste en plein jeu. Elle doit être voilée. Faut être d'accord avec eux et dire que la guerre est bonne, une merveilleuse technologie, faute d'arrêter le travail, qui n'aboutit jamais. Les artistes ne répètent pas la pièce avant d'avoir l'autorisation officielle. Tous ces textes, les théâtres, les lieux de répétition appartiennent au parti, ils sont partout dans les lieux publics et chacun a un rôle spécial.

    Les artistes n'ont pas le droit de rêver de l'humanité, de l'exprimer, ils doivent se conformer aux « normes » d'une réalité horrible, si non, ils risquent leur vie.

    A Togo, (Afrique de l'ouest), les marionnettes sacrées s'appellent « tsitsili ». Les masques et les marionnettes doivent rester en conformité avec le mythe. La marionnette représente un fétiche qui symbolise l'esprit des ancêtres, afin de protéger la communauté. Dans les cérémonies de danse ce sont les dieux, les revenants qui créent à travers les hommes qui rêvent. Les marionnettes représentent les ancêtres mythiques qui reviennent et protègent de la maladie.

    L'art agit sur la vie collectif et ce n'est pas un jeu individuel. Il y a deux sources d'inspiration l'esthétique et l'inconscience.

    Au Nigeria, l'intolérance religieuse met tout en péril. Les gens croient que le jeu des marionnettes est satanique. Cet ignorance devient une vraie menace pour l' artiste qui pour préserver son intégrité s'autocensure. L'artiste a le choix ou d'abandonner ou de résister contre les interdits et les intolérances religieuses. L'état ne donne plus les fonds pour créer des marionnettes et une période même elles étaient interdites.

    Au Sénégal les marionnettes n'existent pas traditionnellement. Patricia Gomis (création ) et Marcia De Castro (mise en scène), nous montre le spectacle, « Moi... Messieurs, Moi... », dans un objectif qui n'est pas de changer des choses mais de prendre la parole et se poser des questions. Les gens ont peur de parler, ils n'osent pas critiquer de peur de la punition divine. Dans une ambiance légère avec beaucoup de l'humour, sous le support de la danse, mime, marionnette, chant, la comédienne raconte le sort des enfants en Afrique, en passant par l'excision qui est interdite au Sénégal, mais elle se pratique encore aux alentours. C'est une coutume ancestrale, pratiquée par les grandes mères, qui cache la croyance que la femme est « sale » et que le seule moyen de la purifier c'est de se mutiler et d'anéantir le plaisir féminin, afin de devenir pure et apte de faire des bons enfants...

    Le spectacle fait découvrir la position des enfants Africains, (comme un colis changent des parents, des maisons et des pays et nous prenons conscience que l'esclavage existe encore en France.

    Tout ça nous ramène violemment à nous qui, d'une part, nous essayons de mesurer notre responsabilité comme marionnettistes et d'autre part expliquer l'autocensure faite sur nous mêmes.

    Il faut dire que les œuvres en Afrique sont collectives (œuvres des esprits), et pas d'un particulier.

    Au Sénégal les masques et les marionnettes sont disparues, (sauf les masques au sud).

    Au Nigeria les marionnettes ont survécues, au Mali et au Burkina les marionnettes servent à des rites bien spécifiques liés au sacré.

    En Mauritanie le spectacle va surement être censuré parce que l'excision se pratique encore et l'islamisme gouverne.

     

    Conclusion

     

    Le spectacle est un langage théâtral qui fait sens. On doit avoir des stratégies d'adaptation et de retournement et continuer à expérimenter le théâtre de résistance.

    On voit bien que les limites se posent par des pouvoirs politiques et sociales. Qui décide de ces limites?

    On doit être vigilants à cette notion de fragilité de la démocratie, ce qu'on observe se passer aujourd'hui.

    Il faut pas déplacer systématiquement le problème chez l'autre, on doit pratiquer l'introspection.

    Parce que la censure est le pouvoir de l'autre sur moi. Ça peut être un pouvoir financier, (subventions), esthétique, (codes, cases et habitudes), ou celui de la supériorité des personnes qui sont supposées savoir, aptes à commander leur pont de vue. Et là où ces pouvoirs peut devenir conscients, on se penche sur le phénomène de l'autocensure. Là les limites se posent par nous mêmes, par notre éducation, nos tabous, nos propres limites.

    Le marionnettiste se met des limites sur son propre corps, il se cache derrière le castelet, il se cache derrière l'anonymat, afin de mieux symboliser et ainsi dévoiler son humanité à travers le langage théâtrale.

    La marionnette permet la transgression des interdits. Ce pour cela qui est surveillée de près et censurée à plusieurs reprises.

    Réfléchissons ensemble sur ces questions et continuons à résister en conscience.

     


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  • Commentaires

    1
    V. Roméas.
    Mercredi 9 Mai 2012 à 18:31

    Merci pour ce compte-rendu intéressant. Violaine.

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